Vizille : des Trémies VFD à la Fin de VFT, l’Histoire du Dernier Train de Marchandises
Acteurs méconnus de l’essor industriel et du transport de vrac dans la vallée de la Romanche.
Acteurs méconnus de l’essor industriel et du transport de vrac dans la vallée de la Romanche.
| Catégorie | Description |
| Nom de l’Installation | Trémies de transbordement mécanisé de Vizille |
| Type d’Infrastructure | Installation industrielle de transbordement (rupture de charge) |
| Localisation | Vizille, à l’interface des réseaux PLM/SNCF (voie normale) et VFD (voie métrique). |
| Objectif Principal | Assurer l’approvisionnement des industries de la vallée de la Romanche en matières premières livrées par le réseau ferré national. |
| Principe de Fonctionnement | Un système sophistiqué en deux étapes, combinant manutention mécanique et gravité :
1. Remplissage des trémies (phase mécanique) : • Les wagons du réseau PLM/SNCF (voie normale) déchargeaient leurs matériaux. • Un pont roulant avec une benne preneuse reprenaient ces matériaux en vrac dans les wagons et les élevaient mécaniquement jusqu’au sommet des silos en béton (les trémies) pour les remplir. 2. Chargement des wagons (phase gravitationnelle) : • Les wagons du réseau VFD (voie métrique) étaient positionnés sur une voie en contrebas. • Des trappes situées à la base des trémies s’ouvraient pour charger les wagons rapidement et simplement par gravité. |
| Acteurs Ferroviaires | • Réseau Amont (Fournisseur) : PLM (puis SNCF), qui amenait les matériaux sur le réseau national.
• Réseau Aval (Distributeur) : VFD (Voies Ferrées du Dauphiné), qui desservait les usines de la Romanche. |
| Marchandises Concernées | Matières premières en vrac pour les industries de la Romanche : charbon, coke, minerais, etc. |
| Période d’Activité | Principalement durant l’âge d’or industriel de la vallée de la Romanche, de 1951 à la fermeture en 2005. |
| État Actuel | Entièrement démolies et disparues. L’ensemble de l’installation a été rasé après la fin de son utilité. |
| Intérêt Patrimonial | Ces trémies témoignent de l’ingéniosité mécanique et logistique déployée à Vizille pour en faire une plaque tournante efficace. Elles sont le symbole de la chaîne d’approvisionnement qui alimentait le « moteur » industriel de la vallée de la Romanche. |
Novembre 2005. Ce n’est pas un événement récent, mais un souvenir gravé dans l’histoire industrielle locale. Sur le site de Vizille Terrasse, les dernières grandes trémies de chargement en béton sont démolies. Pour beaucoup, c’est la fin d’une époque : celle qui a vu le rail irriguer les vallées alpines, d’abord sous la bannière mythique des VFD (Voies Ferrées du Dauphiné), puis avec son héritière, la société VFT.
Comme sur les grands réseaux, une trémie est un immense entonnoir de béton. Sa fonction était de stocker des matériaux en vrac – minerais, granulats ou autres produits des industries de la vallée – pour les charger rapidement par gravité dans les wagons du train situé en dessous. À Vizille, ces trémies étaient le lien direct entre les besoins industrielles de l’Oisans et de la Romanche et le réseau ferré qui les amenait depuis la gare de Jarrie.
Bien plus qu’un simple « entonnoir à granulats », le site de Vizille était une véritable plateforme de transport combiné. Les trémies en étaient l’élément le plus visible, mais leur fonctionnement était complexe :
Un faisceau de voies ferrées desservait les alignements de trémies, permettant de positionner les wagons tombereaux juste en dessous pour un chargement rapide par gravité.
Le flux fonctionnait dans les deux sens. D’un côté, les matériaux en vrac étaient chargés dans les trains via les trémies. De l’autre, les camions arrivant de la vallée de la Romanche pouvaient être déchargés de deux manières : soit en remplissant les trémies par le haut, soit en transférant leur contenu directement dans les wagons grâce à une « sauterelle », un tapis roulant mobile.
Ce système offrait une grande souplesse, faisant du site un hub efficace entre la route et le rail.
Durant les premières décennies d’exploitation des VFT, la rupture de charge s’opérait en gare de Jarrie. Toutefois, face à l’accroissement constant du tonnage, les installations d’origine atteignirent la saturation en 1951.
Sur le plan de l’infrastructure, une nouvelle section reliant Jarrie à Vizille avait été ouverte dès 1932 (la déviation de la Terrasse), permettant d’extraire le trafic fret du centre urbain de Vizille. Pour optimiser le transbordement du vrac, le site fut équipé d’un système mécanisé : une benne preneuse alimentait des trémies de stockage, permettant le chargement par gravité des wagons à voie métrique stationnés en contrebas.
Figure 1 : Plan de configuration des voies de la gare de Vizille-Terrasse (VFD) – Situation en 1952.
L’histoire de ce lieu se découpe en deux grandes périodes :
L’Ère des VFD : Le Cœur Battant du Réseau Local
Jusqu’à l’arrêt du transport de marchandises par la compagnie en novembre 1964, le dépôt de Vizille était le centre névralgique du réseau des Voies Ferrées du Dauphiné. Il assurait le transport de voyageurs et de fret qui faisait vivre les industries des vallées alpines.
L’Héritage de VFT : Le Pari du Rail-Route
Après une période de transition, le site reprend vie sous une nouvelle forme. En 1987, la société VFT succède aux VFD pour l’activité fret. Elle se spécialise dans une logistique moderne pour l’époque : le transport combiné. Utilisant la voie ferrée stratégique entre Jarrie et Vizille, VFT acheminait les matériaux en vrac par le train, puis assurait la livraison finale par camions. Ce modèle a permis de maintenir une activité ferroviaire sur le site pendant près de deux décennies supplémentaires.
Un symbole du patrimoine ferroviaire de Vizille, six ans avant sa disparition. On voit nettement la grue avec la benne au dessus des trémies pour le transbordement.
En 2005, près de vingt ans après la création de VFT, le marché du transport a de nouveau évolué. Face à de nouvelles contraintes économiques et logistiques, la société a rationalisé ses opérations. Les imposantes et rigides trémies en béton n’étaient plus jugées nécessaires. Le transbordement camion-wagon pouvait désormais s’effectuer plus simplement et à moindre coût, uniquement avec des sauterelles mobiles.
La décision fut donc prise de démolir les trémies. Ce n’était pas la fin de l’activité sur le site, mais la fin de son infrastructure historique la plus emblématique.
Les trémies, cœur de l’activité rail-route en 2001.
Le sursis aura duré sept ans. La société VFT fermera définitivement ses portes le 21 février 2012. Cet événement signe la fin de toute activité de transport rail-route sur ce site historique. Même le transbordement par sauterelle, qui avait perduré après 2005, cesse.
La fermeture de VFT met un point final à plus d’un siècle d’histoire ferroviaire et logistique à Vizille, laissant les voies silencieuses pour de bon.
Le site VFT de Vizille en 2005, après la démolition des trémies.
La démolition des trémies de Vizille Terrasse en 2005 a effacé du paysage les derniers témoins d’une riche histoire ferroviaire.
Elles symbolisaient l’âge d’or des VFD, un réseau qui a désenclavé les montagnes.
Elles représentaient la reconversion réussie de VFT, qui a su adapter le rail aux nouvelles réalités du transport.
Elles rappellent un savoir-faire logistique, où le train et le camion n’étaient pas concurrents, mais partenaires.
Aujourd’hui, le terrain a changé, mais le souvenir de ces géants de béton reste. Il nous rappelle que notre patrimoine industriel est en constante évolution, et qu’il est de notre devoir de documenter et de raconter ces histoires avant qu’elles ne s’effacent complètement.
La démolition des trémies VFT en 2005.
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1. Qu’étaient les grandes structures en béton qui se trouvaient sur le site de Vizille Terrasse ?
Il s’agissait de trémies de chargement. Ces structures fonctionnaient comme d’immenses entonnoirs en béton servant à stocker des matériaux en vrac (granulats, minerais…). Leur fonction était de charger rapidement et par gravité ces matériaux dans les wagons des trains de marchandises situés juste en dessous.
2. À quoi servait ce site ferroviaire à Vizille ?
Le site était une plateforme logistique « rail-route » très importante. Il permettait de transférer des marchandises entre les camions arrivant de la vallée de la Romanche et les trains. Ce système combinait le transport par rail et par route, faisant du site un véritable « hub » pour les industries de la région.
3. Quelles compagnies ferroviaires ont utilisé ce site ?
Deux compagnies principales se sont succédé :
Les VFD (Voies Ferrées du Dauphiné) : Jusqu’en 1964, le site était le centre névralgique de ce réseau mythique qui transportait à la fois des voyageurs et du fret dans les vallées alpines.
La société VFT : À partir de 1987, VFT a repris l’activité de fret en se spécialisant dans le transport combiné, prolongeant ainsi l’activité ferroviaire du site.
4. Pourquoi les trémies en béton ont-elles été démolies en novembre 2005 ?
En 2005, la société VFT a rationalisé ses opérations pour s’adapter aux nouvelles réalités économiques. Les imposantes trémies en béton n’étaient plus jugées nécessaires, car le transbordement entre camions et wagons pouvait se faire de manière plus souple et moins coûteuse avec des tapis roulants mobiles appelés « sauterelles ».
5. La démolition des trémies a-t-elle signé la fin de l’activité sur le site ?
Non, pas immédiatement. La démolition en 2005 a marqué la fin de l’infrastructure historique la plus visible, mais l’activité de transbordement avec des « sauterelles » a continué pendant encore sept ans.
6. Quand toute activité ferroviaire a-t-elle cessé sur le site ?
L’activité a définitivement pris fin le 21 février 2012, avec la fermeture de la société VFT. Cet événement a mis un point final à plus d’un siècle d’histoire ferroviaire et logistique à Vizille.
7. Que symbolisaient ces trémies ?
Elles représentaient plusieurs choses :
L’âge d’or des VFD et le désenclavement des montagnes par le rail.
La reconversion réussie de VFT qui a su adapter le train à la logistique moderne.
Un savoir-faire où le train et le camion étaient partenaires et non concurrents.
8. Peut-on encore voir des vestiges aujourd’hui ?
Le site a été partiellement effacé en 2013 suite à des travaux d’aménagement des berges de la Romanche. Les trémies, qui en étaient l’élément le plus emblématique, ont complètement disparu.
« Ces trémies de transbordement, aujourd’hui disparues, sont un témoin fascinant de l’ingénierie et du patrimoine ferroviaire du Dauphiné. »
« Cette méthode de transbordement par trémies coexistait avec une autre solution technique mise en place à proximité : l’ingénieuse voie à trois rails de Vizille. »
« Elles permettaient de transférer le chargement des wagons du réseau à voie métrique des Voies Ferrées du Dauphiné (VFD)… »
« Leur fonction était de permettre le transbordement des matériaux, c’est-à-dire leur transfert d’un mode de transport à un autre. »
« …vers les wagons à voie normale de la puissante compagnie du PLM (Paris-Lyon-Méditerranée). »
« Ces installations étaient vitales pour approvisionner le grand pôle industriel chimique de Jarrie, dont l’histoire est aujourd’hui retracée par un musée passionnant. »
« Ces infrastructures industrielles ont longtemps marqué le paysage de la ville de Vizille, située au carrefour de plusieurs vallées alpines. »
« Les trémies ont notamment servi au transport de la bauxite, le minerai à l’origine de l’aluminium, une industrie majeure dans les Alpes. »
C’est ici que vous trouverez les listes de parc (inventaires), les plans de constructeurs et les charges à l’essieu.
HUTTER, Joseph. Les Voies Ferrées du Dauphiné. Édité à compte d’auteur, 1971 (et rééditions).
Intérêt pour l’article : C’est la source la plus pointue sur le « matériel remorqué ». Hutter dresse souvent l’inventaire des wagons (tombereaux, plats, trémies) avec leurs numéros de série et leurs années de mise en service.
BOUILLIN, Patrice. Le Tramway de Grenoble à Chapareillan et les V.F.D.. Éditions Presses et Éditions Ferroviaires, 1985.
Intérêt pour l’article : Ouvrage indispensable pour l’iconographie. Il contient probablement des photos de convois de marchandises traversant Vizille, permettant d’identifier visuellement le type de trémies (à essieux, à bogies, trémies « grand volume » pour le coke ou « densité élevée » pour le ciment).
BEJUI, Pascal & COURTOIS, René. Les Chemins de Fer de la France d’Outre-mer et les VFD. (Compilation ou articles dans les revues de l’éditeur La Régordane).
Pascal Bejui est un expert de la voie métrique. Ses analyses sur le trafic fret sont toujours très techniques.
Les revues périodiques contiennent souvent des « focus » sur des wagons spécifiques ou des embranchements industriels.
Revue Chemins de Fer Régionaux et Urbains (FACS).
Consultez les index pour les numéros consacrés à l’Isère. Recherchez les articles traitant du trafic marchandises des VFD. Souvent, ces articles détaillent les « Embranchements Particuliers » (EP) de Vizille.
Revue Voie Étroite.
Excellente source pour les détails techniques sur le matériel métrique (attelages, systèmes de déchargement des trémies).
Revue Loco-Revue (Archives).
Bien que orientée modélisme, cette revue publie des plans cotés de wagons réels pour les maquettistes. Cherchez des plans de « Trémies à voie métrique » ou « Trémies Vicat / Pechiney ».
Si vous voulez décrire le fonctionnement économique (tonnage, contrats), il faut aller aux sources brutes.
Archives Départementales de l’Isère (ADI) – Série S (Travaux Publics).
Sous-série 5 S (Chemins de fer).
Cherchez les dossiers relatifs à l’exploitation des VFD : « Commandes de matériel roulant », « Tarifs marchandises », ou les dossiers des clients industriels (Ciments Vicat, Papeteries). Vous y trouverez peut-être les bons de commande des trémies aux constructeurs (ex: Baume & Marpent, De Dietrich, etc.).
Archives des entreprises locales (Si accessibles).
Les trémies étaient souvent des « wagons de particuliers » appartenant aux usines et non au réseau ferré lui-même. Des recherches sur l’histoire des Ciments Vicat ou des usines métallurgiques de Vizille pourraient révéler des photos de leurs wagons trémies privés.
Pour expliquer ce que transportaient ces trémies.
COYNE, A. L’industrie dans la vallée de la Romanche. (Thèses de géographie économique des années 1920-1950).
Pour comprendre les flux : Charbon montant vers Vizille ? Ciment descendant vers Jarrie ? Chaux ? Le type de matériau définit la forme de la trémie.
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