Train de la Mure : retour sur le chantier oublié de la caténaire en 2008 à La Motte d’Aveillans
Patrimoine ferroviaire
Patrimoine ferroviaire
| Catégorie | Description |
| Événement | Chantier de modernisation et de réfection de la caténaire. |
| Lieu | Ligne du Petit Train de la Mure (SGLM), Isère. Observation clé en gare de La Motte d’Aveillans. |
| Date | 2008 (photos de référence datées du 14 septembre 2008). |
| Objectif du Chantier | Remplacer et fiabiliser l’alimentation électrique de la ligne pour assurer sa pérennité. |
| Matériel Roulant Clé | Locotracteur de la société CFG / Colas Rail (origine Roumanie, 700 CV), wagons plats transportant des embases de poteaux. |
| Destin du Projet | Réussite technique mais rendu caduc par l’éboulement rocheux du 26 octobre 2010 qui a entraîné la fermeture de la ligne. |
| Fait Marquant | L’utilisation d’un puissant locotracteur externe à la ligne, spécialisé dans les travaux sur voie métrique. |
Au milieu des années 2000, le Petit Train de la Mure était une légende vivante, une centenaire accrochée aux flancs des montagnes du plateau matheysin. Pourtant, son artère vitale – sa caténaire – portait les stigmates d’un siècle d’existence. Installés entre 1903 et 1912, ses élégants poteaux métalliques en treillis étaient fragilisés. Rongés par la corrosion après cent ans d’exposition aux rudes hivers alpins, leur fatigue structurelle menaçait non seulement la fiabilité de l’alimentation électrique, mais aussi la sécurité même de la ligne.
Face à cette urgence, le Conseil Général de l’Isère, alors propriétaire, lança un vaste programme d’investissement pour pérenniser ce joyau touristique. La rénovation de la caténaire en était la pièce maîtresse, un chantier coûteux mais indispensable pour garantir un service fiable pour les décennies à venir.
Le défi était de taille : moderniser sans dénaturer. L’objectif n’était pas de réinventer la ligne, mais de reconstruire l’infrastructure à neuf tout en conservant la spécificité technique qui la rendait unique au monde : son alimentation historique en courant continu 2400 V.
Il était donc temps d’offrir un cœur neuf à la vieille dame des Alpes. Loin d’une opération aérienne spectaculaire, c’est une œuvre de patience et d’ingéniosité purement ferroviaire qui s’engagea alors sur les rails du plateau matheysin.
Le plus grand atout du Train de la Mure est aussi son plus grand défi technique : son tracé. Véritable balcon suspendu au-dessus des gorges du Drac, la ligne est inaccessible par la route sur la majeure partie de son parcours. Pour la rénover, il n’y avait donc qu’une seule solution : utiliser la voie elle-même, qui devenait à la fois le chantier et son unique voie d’accès. Ce n’est pas un ballet d’hélicoptères qui s’organisera, mais une opération menée par un acteur plus humble et purement ferroviaire : le train de travaux.
Pour mener cette mission à bien, un convoi exceptionnel fut assemblé, photographié ici en gare de La Motte d’Aveillans le 14 septembre 2008. À sa tête, un imposant locotracteur diesel de la société CFG (plus tard Colas Rail), un puissant engin de 700 CV habitué des chantiers sur voie métrique. Derrière lui, un chapelet de wagons plats formait une véritable usine mobile, un convoi de fourmis industrieuses. Sur leurs planchers s’entassaient poteaux neufs galvanisés, sacs de ciment, sable, tourets de câble de cuivre rutilant et, pièce maîtresse du dispositif, une petite grue de manutention montée sur wagon.
Dès la fin de la saison touristique, cet étrange cortège s’ébranlait depuis le dépôt de La Mure. Le son grave du moteur diesel remplaçait alors le sifflement familier des motrices électriques. Le rituel était méthodique. Le train avançait au pas, s’arrêtant à chaque poteau à remplacer. Une fois la vieille caténaire mise hors tension, la grue du convoi saisissait l’ancien poteau en treillis pendant que les « lignards » le désolidarisaient de ses fondations centenaires. La structure métallique était délicatement déposée sur un wagon plat pour être évacuée.
Au sol, les équipes préparaient le massif en béton, le coulant à neuf avec les matériaux apportés par le train. La grue soulevait ensuite un poteau neuf et le guidait avec une précision millimétrique dans sa nouvelle fondation. Une fois le poteau scellé, le convoi s’ébranlait de quelques dizaines de mètres pour recommencer l’opération.
Poteau après poteau, kilomètre après kilomètre, le lent cortège des bâtisseurs redessinait la ligne. Une fois les supports en place, venait le temps de dérouler le fil de contact, tendu avec soin pour garantir un captage parfait au passage des motrices. Un travail de longue haleine, rythmé par le grincement des essieux sur les rails et le son des outils résonnant dans la montagne.
Sur la spectaculaire Ligne de Cerdagne, les engins qui assurent les chantiers de renouvellement de la voie ne sont pas des locomotives au sens classique. Ce sont des tracteurs de travaux lourds, des outils spécialisés conçus par Colas Rail pour une mission bien précise : tracter des convois de plusieurs centaines de tonnes sur l’une des lignes de chemin de fer les plus difficiles d’Europe. Leur terrain de jeu est une voie métrique unique, un profil de montagne aux rampes vertigineuses atteignant 60 ‰ (6 %), aux courbes serrées et à l’altitude élevée. Entièrement thermiques, ils opèrent en toute autonomie, même lorsque l’alimentation électrique par troisième rail est coupée pour les besoins du chantier.
Souvent issus de la transformation profonde d’anciens autorails pour en réutiliser le châssis robuste, ces tracteurs privilégient la force brute à la vitesse. Leur architecture est pensée pour l’efficacité : une caisse surbaissée, deux cabines de conduite pour une réversibilité immédiate et une visibilité parfaite sur le convoi. Conçus pour opérer seuls ou en unités multiples (UM) afin de décupler leur puissance dans les pentes les plus rudes, ces engins sont avant tout des bêtes de somme.
La différence fondamentale avec une locomotive de manœuvre classique, comme la BB 60000, réside dans leur chaîne de traction. Au cœur de la machine se trouve un puissant moteur diesel industriel (type MAN ou Cummins, développant jusqu’à 950 ch), mais c’est sa transmission diesel-hydraulique qui change tout. Contrairement à une transmission diesel-électrique, le système hydraulique (souvent de marque Voith) avec convertisseur de couple excelle pour délivrer un effort de traction colossal au démarrage et à très basse vitesse. C’est la technologie idéale pour arracher une lourde charge dans une pente à 6 %. Pour supporter cet effort constant, le système de refroidissement est largement surdimensionné, permettant au moteur de tourner à pleine charge pendant des heures sans surchauffer.
Le résultat est un engin à la force herculéenne. Avec une masse avoisinant les 50 tonnes pour garantir une adhérence maximale, il peut remorquer des trains de ballast ou de rails à une vitesse très réduite, sa vitesse de pointe dépassant rarement les 50 km/h. Mais si monter est un défi, retenir le convoi en descente en est un autre. Pour cela, il est équipé d’un freinage pneumatique complété par un puissant freinage hydrodynamique, capable de réguler la vitesse sur de longues pentes sans jamais user prématurément les freins mécaniques.
La comparaison avec une locomotive de manœuvre standard comme la BB 60004 est éclairante. Là où la BB 60004 est une machine polyvalente sur voie normale à transmission diesel-électrique, le tracteur de Cerdagne est un spécialiste de la voie métrique. Sa transmission diesel-hydraulique n’est pas conçue pour la polyvalence, mais pour un seul but : développer un effort de traction massif à basse vitesse. C’est un outil façonné par et pour la montagne, la cheville ouvrière indispensable à la survie du mythique Train Jaune.
Pour mener les chantiers titanesques de la Ligne de Cerdagne, Colas Rail s’est doté d’une flotte de wagons spécialisés, véritable colonne vertébrale du transport de matériaux. Ces wagons plats, désignés par le code technique Rgkmm, sont la clé de voûte de toute la logistique du chantier. Derrière ce sigle se cache une description précise de leur conception unique.
Basée sur la codification internationale UIC, chaque lettre a son importance. Le « R » l’identifie comme un wagon plat à bogies, la base de sa structure. Le « g » indique sa capacité à transporter des conteneurs grâce à des verrous spécifiques (« twist-locks »), le rendant apte au transport de bennes à ballast ou de modules de chantier. Le « k » précise sa charge utile (inférieure à 40 tonnes, une norme pour la voie métrique), tandis que le double « mm » souligne sa caractéristique la plus distinctive : une très grande longueur utile, supérieure à 18 mètres, exceptionnelle pour cet écartement de voie. En bref, le Rgkmm est un wagon plat à bogies, porte-conteneurs, doté d’une longueur hors-norme.
Cette conception sur-mesure répond directement aux besoins des chantiers de Renouvellement Voie Ballast (RVB) en conditions extrêmes. Sa mission : acheminer tout le matériel, neuf comme ancien, sur des rampes à 60 ‰ et dans des courbes très serrées. Sa grande longueur est essentielle pour transporter les Longs Rails Soudés (LRS) de plusieurs dizaines de mètres. Sa polyvalence lui permet de charger indifféremment des traverses en béton, du ballast dans des conteneurs-bennes, ou même des engins et des bureaux de chantier.
Construits en France par CFD (Compagnie de Chemins de Fer Départementaux), un spécialiste reconnu de la voie métrique, ces wagons sont des concentrés de technologie ferroviaire. Leur châssis surbaissé en acier haute résistance abaisse le centre de gravité, améliorant la stabilité. Leurs bogies modernes de type Y21 sont conçus pour s’inscrire dans les rayons de courbe les plus faibles. Enfin, leur système de freinage pneumatique est surdimensionné, un élément de sécurité non négociable pour retenir des centaines de tonnes dans les descentes vertigineuses de la ligne. Le plancher est équipé de ranchers amovibles pour caler les rails et de « twist-locks » pour sécuriser les conteneurs, offrant une modularité totale.
Sur le terrain, ces wagons forment des rames homogènes et lourdes, tractées par les puissants engins thermiques de Colas Rail, souvent attelés en unité multiple pour vaincre les pentes. Le wagon Rgkmm n’est donc pas un simple wagon plat ; c’est une pièce d’ingénierie ferroviaire, un outil de travail robuste et polyvalent, et la cheville ouvrière indispensable à la modernisation de l’une des lignes les plus exigeantes d’Europe.
Mené sur plusieurs saisons, principalement durant les périodes creuses d’hiver et de printemps pour ne pas perturber l’exploitation touristique, le chantier a suivi un processus rigoureux et méthodique.
La première étape consistait à renouveler l’ossature même de la ligne. Les anciens poteaux en treillis, hérités du début du XXe siècle, ont été systématiquement déposés. Ils ont laissé place à des poteaux modernes, tubulaires ou à profilés en H, entièrement galvanisés pour garantir une résistance optimale à la corrosion dans le rude climat alpin. Le principal défi de cette phase fut sans conteste la création de nouvelles fondations : chaque poteau a nécessité le coulage d’un massif en béton, une opération complexe et exigeante dans un terrain de montagne souvent escarpé.
Une fois cette nouvelle épine dorsale installée, les équipes se sont attaquées au cœur du système : la ligne aérienne de contact (LAC). L’ensemble du câblage a été remplacé à neuf, du câble porteur qui soutient la structure jusqu’au fil de contact en cuivre, la surface même sur laquelle frotte le pantographe. Dans le même temps, les isolateurs en porcelaine, fragilisés par les décennies, ont été substitués par des modèles performants en verre ou en composite.
Enfin, un soin particulier a été apporté au « reprofilage » de la ligne. Le tracé du fil de contact a été minutieusement optimisé afin de garantir un captage du courant parfaitement constant et sans à-coups, améliorant directement la performance et la régularité de la traction pour le matériel roulant.
Ce programme de rénovation, mené à bien, a permis à la ligne de fonctionner de manière fiable pendant les saisons 2008, 2009 et une partie de 2010. Le train de La Mure était alors doté d’une infrastructure électrique quasi neuve et sécurisée.
Cependant, toute cette modernisation a été rendue vaine par un événement totalement indépendant : le 26 octobre 2010, un éboulement massif s’est produit depuis la falaise de la montagne du Grand Brion, emportant une partie de la plateforme de la voie et un tunnel près du viaduc de la Clapisse.
Cet événement, d’origine naturelle et imprévisible, a rendu la ligne infranchissable et a entraîné sa fermeture pour des raisons de sécurité. Le coût de la reconstruction de la section détruite a été jugé prohibitif, menant à l’arrêt de l’exploitation sur la quasi-totalité du parcours historique.
En conclusion, le chantier de changement des caténaires de 2008 fut une réussite technique et un investissement majeur pour la sauvegarde du Petit Train de la Mure. Malheureusement, ses bénéfices ont été anéantis par une catastrophe naturelle deux ans plus tard, scellant le sort de la ligne sous sa forme historique.
Après plus de dix ans d’arrêt, le Petit Train de la Mure a finalement été entièrement repensé et a rouvert au public en 2021 sur un nouveau parcours touristique sécurisé, redevenant une attraction phare en Isère. Le chantier de 2008 reste un témoignage poignant de la volonté de préserver et de moderniser ce patrimoine ferroviaire du Dauphiné.
1. Pourquoi des travaux ont-ils été nécessaires sur la ligne du Train de la Mure en 2008 ?
Les travaux ont été lancés pour remplacer entièrement la caténaire (le système d’alimentation électrique aérien). Les poteaux d’origine, datant du début du XXe siècle, étaient corrodés et fatigués, menaçant la fiabilité et la sécurité de la ligne.
2. Quel matériel spécifique a été utilisé pour ce chantier ?
Un train de travaux spécial a été assemblé, mené par un puissant locotracteur diesel de la société CFG (plus tard Colas Rail). Ce convoi transportait sur des wagons plats tout le matériel nécessaire, comme les nouveaux poteaux et les matériaux pour couler les fondations en béton.
3. Le chantier de modernisation a-t-il été un succès ?
Sur le plan technique, le chantier a été une réussite et a permis à la ligne de fonctionner de manière fiable pendant près de deux ans avec une infrastructure électrique neuve.
4. Pourquoi les bénéfices de cette rénovation n’ont-ils pas duré ?
Le 26 octobre 2010, un éboulement rocheux massif a détruit une partie de la voie, rendant la ligne infranchissable et entraînant sa fermeture. Cet événement a rendu l’investissement de 2008 caduc.
5. Qu’est-il arrivé à la nouvelle caténaire après la fermeture de la ligne ?
Après la fermeture, la nouvelle caténaire, riche en cuivre, a été la cible de vols, comme le rapporte un article du Dauphiné Libéré de 2013.
6. Le Petit Train de la Mure fonctionne-t-il encore aujourd’hui ?
Oui, après plus de dix ans d’arrêt, le train a été entièrement repensé. Il a rouvert au public en 2021 sur un nouveau parcours touristique sécurisé, redevenant une attraction majeure en Isère.
« Ce chantier de rénovation est donc un témoin précieux de l’héritage ferroviaire de la Matheysine... »
« …les travaux de restauration est aujourd’hui une élément incontournable sur le Petit Train de La Mure. »
« …l’effondrement catastrophique de La Clapisse » (A venir)
« Pour préparer votre voyage et consulter les informations pratiques, rendez-vous sur le site officiel du Petit Train de La Mure.«
« Le chantier de 2008 est une excellente porte d’entrée pour découvrir les nombreux autres atouts touristiques de la région, comme le recommande l’Office de Tourisme de la Matheysine. »
« Pour une plongée encore plus profonde dans les détails techniques et historiques de la ligne, la page Wikipédia consacrée au Chemin de fer de la Mure est une ressource très complète. »
Ce locotracteur, initialement propriété de la société CFG, a ensuite rejoint le parc matériel d’un acteur majeur des chantiers sur voie métrique après avoir été racheté par Colas Rail, une entreprise reconnue pour son expertise sur des lignes aussi variées que celles des Chemins de fer de Corse ou du Blanc-Argent.
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