Maurice Gignoux

Maurice Gignoux

Maurice GIGNOUX (1881-1955)

DISCOURS DE M. Léon MORET
prononcé aux funérailles de Maurice Gignoux, le mardi 23 Août 1955, à Grenoble

Mesdames, Messieurs,
C’est avec une indicible tristesse et le cœur déchiré par l’émotion que le Doyen de la Faculté des Sciences vient exprimer l’adieu suprême au collègue et à l’ami que la mort a disputé à notre affection au cours d’une longue et douloureuse maladie supportée avec un courage que je puis bien qualifier d’héroïque.
L’amitié vraie et le sincère dévouement de tous ne sauraient guérir des blessures que leur fait une telle séparation et le souvenir de celui que nous pleurons ne saurait se perdre avec la première pelletée de terre qui sera jetée sur son cercueil.
L’Académie des Sciences, la Faculté des Sciences et surtout le Laboratoire de Géologie de Grenoble, qu’il dirigea avec tant de sollicitude pendant plus de 25 ans, sont aujourd’hui plongés dans un deuil profond.
Maurice Gignoux, collègue délicieux, fut en effet un grand savant frôlé par le génie et un véritable maître dans toute l’acception du terme; et ce mot de maître prend ici sa valeur totale, car, chez Maurice Gignoux, l’homme était à la hauteur du savant et aucune compromission ne devait effleurer cette existence toute droite, uniquement consacrée à la recherche, à ses élèves et à sa famille.
Qu’il me soit permis de rappeler qu’il était plus encore pour moi et que je lui étais attaché par d’étroits liens familiaux et une amitié sans nuages, vieille de plus de 30 ans.
Je dois donc à sa mémoire d’évoquer ici les principaux stades d’une carrière qui fut exemplaire, heureux si ma voix ne faiblit à l’évocation émouvante des faits et des souvenirs.
Maurice Gignoux était né à Lyon d’une antique famille originaire de Nyon et dont les yeux s’étaient reposés de génération en génération sur la douce rive française du Chablais. Peut-être faut-il voir ,là, l’origine d’une vocation alpine qui allait naître, car, chaque année, l’on reviendra dans les montagnes ancestrales que l’enfant apprendra, auprès de son père, à connaître et aimer.
C’est un sujet d’élite et, après de brillantes études, il est reçu simultanément à Polytechnique et à l’Ecole Normale Supérieure. Sans hésiter, il opte pour cette dernière, plus en accord avec ses goûts et son besoin d’apostolat qu’il pourra satisfaire, sur le plan intellectuel, au moyen de l’enseignement direct.
Mais il a toujours aimé la vie en commun (même celle de la caserne, me disait-il) et, à l’Ecole de la rue d’UIm, dans les réunions de « turnes » où tous les sujets sont abordés, science, naturellement, philosophie, musique, il vit intensément et son camarade Charles Jacob n’a pas de peine à convertir cet alpin enthousiaste à la Géologie.
Puis, après la licence, où il fait preuve d’une grande virtuosité mathématique, c’est le grand concours de sortie. Reçu premier, en 1905, à l’agrégation des sciences naturelles, il retient l’attention de Charles Depéret, alors membre du jury, qui l’attire à Lyon dans son laboratoire et lui donne la plus belle marque de confiance qu’un maître puisse manifester à un élève en lui proposant d’étudier un sujet lui tenant à cœur et qu’il eut désiré traiter lui-même: l’histoire des vicissitudes de la vieille Méditerranée pliocène et quaternaire.
Cette thèse de doctorat, achevée en 1913, est un grand succès et l’ouvrage reçoit d’emblée une des récompenses les plus appréciées de la Société Géologique de France, le prix Fontannes. Elle reste encore la base de tous les travaux actuels dans ce domaine.
Entre temps, il avait été appelé à Grenoble, par Wilfrid Kilian, grand connaisseur d’hommes, dont il devint le préparateur. Ce ne sera pas pour longtemps, car bientôt tonne le canon de 1914 et, sans hésiter, Maurice Gignoux s’engage, mais sa mauvaise santé le fait réformer pour un an, puis verser dans le service, nouvellement créé, de la Météorologie aux Armées, où il se signale en compagnie d’un autre géologue grenoblois, Pierre Lory, également engagé volontaire.
La paix revenue, après un court passage pyrénéen comme professeur à la Faculté des Sciences de Toulouse, un grand honneur lui est confié: celui d’organiser l’enseignement de la Géologie à l’Université française renaissante de Strasbourg. On ne pouvait avoir un choix plus heureux: il laissera dans cette ville un souvenir impérissable.
Mais les Vosges et le fossé rhénan ne lui font pas oublier ses chères Alpes et, chaque année, il s’y replonge pendant la période des vacances pour en scruter les secrets. Un mémoire prophétique sur la structure géologique de la Vanoise et dont les récents travaux ont confirmé les données essentielles, ainsi que ses premières intuitions sur le rôle de la tectonique salifère dans les Alpes françaises résulteront tout d’abord de ces fructueux contacts.
La période proprement alpine de sa carrière est amorcée, celle durant laquelle il va se vouer à l’étude des zones dites internes, les moins connues, et qui va voir s’épanouir son âme de chef, mais d’un chef méthodique, dépourvu de tout dogmatisme, désintéressé et n’ayant pour but que l’intérêt supérieur de la Science.
Ce n’est pas ici le lieu d’insister sur le détail de cette oeuvre exposée en de nombreux mémoires ou notes, oeuvre poursuivie seul ou en collaboration avec ses disciples et qui sera d’ailleurs facilitée par sa nomination à Grenoble, en 1926, après la brusque disparition de W. Kilian.
Qu’il me suffise de dire qu’elle a complètement renouvelé nos connaissances sur ces zones complexes et cela en faisant intervenir les idées neuves de la tectonique salifère et surtout celle de l’écoulement des masses rocheuses par simple gravité, si en vogue maintenant, pour expliquer les chaînes de montagnes plissées.
Tout ce qu’il y a de nouveau et de fécond dans cette œuvre d’une haute portée, ainsi que la substance d’un enseignement de plusieurs années, fut bientôt utilisé dans son magistral ouvrage de « Géologie stratigraphique », aujourd’hui classique et dont la quatrième édition, traduite en anglais, en polonais et même en russe, a fait le tour du monde savant.
Avec lui, l’histoire de la terre, et spécialement celle des Alpes, s’ordonne suivant un plan logique et cohérent et la science devient vraiment « la plus haute expression du sens commun ». Dans tous ses cours, où il se montrait un professeur prestigieux, aussi bien que dans ses écrits, se révèlent en outre cette justesse et cette parfaite mesure de l’expression, si méconnues de nos jours et qui, au dire de Saint Marc Girardin, sont les qualités maîtresses de l’écrivain.
S’il avait le don des idées générales et des vues personnelles, il avait aussi le goût de la recherche des applications utiles de la science. Et c’est ainsi qu’une bonne part de son activité fut consacrée aux recherches géologiques relatives aux travaux d’aménagements hydroélectriques de nos grandes vallées alpines. Son nom est pour toujours attaché aux grandioses réalisations du barrage de Génissiat sur le Rhône et son dernier ouvrage, entrepris alors que sa santé était déjà gravement compromise et qui lui a donné ses dernières joies intellectuelles, est un véritable traité des rapports de la Géologie avec la construction des barrages et autres ouvrages hydrauliques.
Tant de magnifiques recherches lui avaient attiré de bonne heure l’attention de ses pairs. Plusieurs fois lauréat de la Société Géologique de France et de l’Académie des Sciences, il avait été élu Correspondant de l’Institut dès 1932 avant d’en devenir Membre non résidant en 1946.
Il était Membre étranger des Sociétés géologiques de Londres et d’Amérique, Membre d’honneur de la Société géologique de Belgique et de l’Académie suisse des Sciences, enfin Docteur honoris causa de l’Université de Lausanne. Tout dernièrement, une des distinctions les plus enviées de la Société géologique d’Amérique, la Médaille Penrose, lui était attribuée pour l’ensemble de travaux « ayant marqué un progrès décisif de la science géologique ».
Il était officier de la Légion d’Honneur depuis plusieurs années.
Oserais-je dire maintenant ce qu’a été Maurice Gignoux dans l’intimité, en rappelant à ses amis sa souriante bonté et sa si bienveillante complaisance; à ses élèves le désir dont il était constamment agité de les aider et de leur être utile ; à ses enfants et à l’admirable compagne de sa vie tout ce qu’il fut pour eux et la tendresse infinie d’un père et d’un époux incomparable.
Et pour nous, qui avons été ses élèves, ses collègues, ses amis, quel exemple cette vie si bien remplie ne restera-t-elle pas et quelles vocations peut-elle encore susciter ?
Puisse cet hommage bien incomplet, Madame, atténuer la douleur que, vous et les vôtres, ressentez de cette cruelle séparation.
Tous ceux qui sont venus accompagner Maurice Gignoux une dernière fois et prier avec vous, et tous ceux qui, nombreux, ont été retenus loin de nous, s’associent à votre grand deuil et prennent leur part de votre affliction. J’ai la mission de vous transmettre les condoléances de l’Académie des Sciences et de vous dire encore notre profonde et respectueuse sympathie.

MAURICE GIGNOUX
par M. Raoul BLANCHARD

(Notice nécrologique publiée dans l’Annuaire de l’Ecole Normale supérieure, 1957, p. 42).
GIGNOUX (Maurice), né à Lyon le 19 octobre 1881, décédé à Grenoble le 20 août 1955. — Promotion de 1901.
C’est un littéraire qui s’est chargé de la notice de ce scientifique. Mais nous avons tenu garnison près de 40 ans dans la même ville ; nos disciplines étaient mitoyennes et nous rapprochaient ; enfin nous étions des amis.
Gignoux était lyonnais, membre de cette forte tribu des Gignoux qui, venue de Suisse, a formé une grosse colonie à Lyon et a essaimé jusqu’en Amérique. D’excellentes études aux Dominicains d’Oullins l’amenèrent en Spéciales au lycée Ampère, d’où il affronta en 1901 les concours de Polytechnique et de Normale Sciences. Admis à l’X, il se trouva refoulé assez loin sur la liste supplémentaire de l’Ecole [Normale Supérieure]. Notre candidat n’hésita pas, et ceci est du meilleur Gignoux: à La rentrée d’octobre 1901, il réintégra la Taupe d’Ampère à la stupéfaction de ses camarades, indignés de voir un Polytechnicien revenir s’assoir sur leurs bancs. Le scandale heureusement dura peu; le même jour un télégramme annonçait le succès à l’Ecole.
Il se plut beaucoup dans notre vieille maison de la rue d’Ulm où il passa quatre ans, s’étant orienté vers les Sciences Naturelles; il y devint géologue, encouragé par notre maître Wallerant, bourru bienfaisant, et par notre camarade Ch. Jacob. Premier d’agrégation en 1905, il gagnait en décembre le lycée de Besançon, après des malentendus au cours desquels Gignoux, qui ignorait tout de la voie hiérarchique, adressa directement au Ministre de l’Instruction Publique une réclamation écrite sur un frivole papier bleu clair. Mais à la rentrée de 1906, Ch. Depéret, chef de la géologie lyonnaise, lui faisait obtenir une bourse de doctorat près la Faculté des Sciences de Lyon. L’heure des travaux scientifiques était venue.
Le sujet de la thèse était original: il s’agissait des formations marines pliocènes et quaternaires de l’Italie du Sud et de la Sicile.
Gignoux parcourut l’Italie méridionale avec joie, vite familier avec le pays et ses habitants; il en rapporta un gros volume de 700 pages qui fut une révélation sur les splendides plates-formes marines exhaussées jusqu’à 1.000 mètres d’altitude. Cependant il s’était marié à Lyon et avait quitté en 1909 sa ville natale pour un emploi de préparateur à la Faculté des Sciences de Grenoble. C’est là que nous fîmes connaissance, rapprochés par nos travaux, opérant dans le même bâtiment; victimes aussi d’une commune infirmité, l’asthme, qui nous valait à chaque printemps, à l’arrivée du rhume des foins, une saison infernale. Aussi tenions-nous, à partir de mai, d’anxieux conciliabules, scrutant la température, reniflant les pollens.
Cette fâcheuse condition d’asthmatique n’empêcha pas d’ailleurs Gignoux de s’engager en 1914 dans un régiment d’artillerie, où l’on accueillit avec plaisir ce Polytechnicien manqué ; je le vois encore engoncé dans le sombre uniforme des artilleurs. Mais l’armée ne le garda pas longtemps: rhumes, crises d’asthme, bronchites, lui rendirent bientôt la vie militaire intenable. Il lui fallut revenir parmi nous, reprendre son poste de préparateur. Nous commencions à trouver qu’il s’y éternisait un peu trop: à 37 ans, brillant docteur, ses chefs ne paraissaient pas songer à le pourvoir d’une chaire de Faculté. C’est que chez Gignoux, la répugnance était totale à attirer l’attention sur lui, à tirer la sonnette ; modestie complète et aussi, chez ce savant audacieux, une touchante absence de sens pratique. On finit, en novembre 1918, par lui confier à Toulouse la suppléance d’un collègue momentanément éloigné. C’en était trop, et à son insu des interventions jouèrent; d’un coup on lui attribua, en janvier 1919, une des plus belles chaires de France, celle de Strasbourg.
Je suis peu renseigné sur le séjour de Gignoux à Strasbourg, qui a duré sept ans; je sais seulement qu’il y avait contracté de solides amitiés, particulièrement chez les littéraires. Cependant le climat ne lui convenait guère ; aussi accepta-t-il avec joie de troquer sa chaire rhénane contre celle de Grenoble devenue vacante ; il retrouvait avec enthousiasme la montagne et le merveilleux laboratoire de géologie que sont les Alpes. Alors commence, au début de 1926, la période la plus féconde de la vie de Gignoux. Il publie notes, mémoires, volumes, sur des problèmes de géologie alpestre, qui renouvellent nos connaissances et obligent les Suisses à réviser leurs conceptions ; presque tous ces travaux sont rédigés en collaboration avec son collègue et ami Léon Moret, ce qui en dit long sur les qualités intellectuelles et affectives des deux hommes. Il écrit un manuel de Géologie stratigraphique, conçu à Strasbourg, qui en est à sa quatrième édition et a été traduit jusqu’en Russie. Parmi ses travaux les plus remarquables, il faut bien citer sa « Tectonique du Sel », qui résolvait tant de problèmes irritants et démontrait que les couches salifères du Trias sont susceptibles de circuler dans le sol et d’accumuler aux points faibles des amas déroutants; puis cette majestueuse théorie de l’« Ecoulement par gravité », qui nous oblige à réviser toutes nos conceptions sur la formation des montagnes. Auréolé de tant de succès, Gignoux était devenu le premier des géologues français.
Aussi les honneurs lui étaient-ils venus ; les distinctions pleuvaient sur ce modeste. La Société Géologique de France lui accordait son prix Fontannes en 1915, son prix Gaudry en 1948. L’Académie des Sciences lui décernait son prix Cuvier en 1931, le nommait Correspondant en 1932, l’élisait enfin membre titulaire en 1946. En 1955, il recevait de la Société Géologique des Etats-Unis une distinction rarement accordée en Europe, la Penrose Medal. Docteur honoris causa de l’Université de Lausanne. Membre de la commission de Géologie de la Recherche Scientifique, du Comité de l’Office national des Combustibles liquides. Officier de la Légion d’Honneur. Quand nous le félicitions, il ne répondait que par le discret sourire que nous lui connaissions. Mais voulait-on l’animer, il n’y avait qu’à lui parler de sa famille, dont il était très fier et il y avait de quoi : un peloton superbe de six enfants, tous bien partis et dont le plus jeune est notre charmant camarade Dominique Gignoux. Que de fois n’avons-nous pas comparé âprement le nombre de nos petits-enfants ! Non moins sensible à l’amitié, Gignoux adorait les longues conversations où l’on abordait les sujets les plus variés, dans la fumée des pipes. Il était tout bardé d’amis; on s’en aperçut en un jour critique. Sur le vu d’une dénonciation qu’on ne saurait qualifier, ce grand honnête homme, ce patriote éprouvé, fut suspendu de ses fonctions de professeur par le Commissaire de la République en septembre 1944. Notre émoi fut grand, particulièrement chez les plus farouches résistants. Nous décidâmes, à titre de protestation, de l’élire aussitôt Président de la Société Scientifique du Dauphiné ; une pétition collective fut remise au général de Gaulle, et Gignoux fut rendu à sa chaire.
La retraite vint en 1953. Il était temps; l’asthme devenait harassant, compliqué de bronchites incessantes; la marche se faisait difficile, faute de souffle. Gignoux a passé ses dernières années enfermé chez lui, choyé par une épouse admirable. Il continuait à travailler; son dernier volume, sur les Barrages, a paru en 1955. Les amis, les élèves, ne le négligeaient pas. Nous le trouvions affalé dans un fauteuil, presque sans voix ; mais au bout d’un instant, ranimé par la conversation, il ressuscitait, prenait la direction du propos, se levait, était capable de nous reconduire amicalement jusqu’à la porte. Aussi avions-nous l’impression que ce corps frêle résisterait indéfiniment: « il nous enterrera tous! ». Mais la terrible crise qui se déclara pendant l’été de 1955 brisa cette résistance; notre ami, haletant, fut des semaines sans pouvoir s’étendre ; à la fin son pauvre cœur, qui luttait depuis si longtemps, céda. Un véritable homme de bien nous quittait, et un chrétien de haute classe.
Grand savant, être exquis, Gignoux a fait honneur à sa famille, à l’Université, à l’Ecole.

Raoul Blanchard.

Témoignage d’un ancien élève de Maurice GIGNOUX
par Jacques FLANDRIN (professeur à l’Univ. de Lyon)

Le déroulement de ma carrière, loin des Alpes et de Grenoble, ne m’a pas permis de vivre au contact de Maurice Gignoux et de bénéficier comme ses autres élèves — disciples conviendrait mieux pour un tel Maître — des richesses sans nombre que leur apportait son commerce quotidien.
Toutefois si, au sortir de mes études où son enseignement avait décidé de l’orientation de ma vie, cet éloignement m’a empêché, pour une part malheureusement trop grande, de profiter sur le plan géologique pur des conseils qu’il pouvait prodiguer à ceux qui vivaient à ses côtés, il n’eut pas le pouvoir de distendre les liens spirituels et affectifs qui, dès mes années d’étudiant, m’avaient attaché à lui et qui, à travers lui et L. Moret, me permirent de toujours me sentir membre de son laboratoire.
Aussi, des voix plus autorisées que la mienne l’ayant déjà fait avec un rare bonheur, ne chercherai-je pas à évoquer à mon tour le géologue dont l’autorité sut s’étendre loin à l’Est et à l’Ouest des frontières de notre pays. Je voudrais plus simplement rappeler d’après les longues conversations qu’à chacune de mes visites il voulait bien m’accorder certains aspects de son caractère et de son esprit et quelques-uns de ses sentiments qui, pour ceux qui l’ont le mieux connu, expliquent autant que sa valeur scientifique le rayonnement qu’il a exercé jusqu’à ses derniers jours.
Tous ceux qui ont approché M. Gignoux ont connu la bonté de son accueil, le charme et l’intérêt de sa conversation mais ces qualités, pour grandes qu’elles aient été, n’expliquent pas à elles seules la joie que ses interlocuteurs, et plus particulièrement les plus jeunes d’entre eux, retiraient de ses entretiens. Son autorité, l’étendue de ses connaissances et de ses souvenirs, sa culture incomparable auraient pu l’entraîner, comme il arrive à certains, à monologuer, à se raconter, parfois à se répéter et cette distribution de richesses aurait sans doute déjà comblé ses auditeurs. Mais M. Gignoux savait, car sa délicatesse était extrême, que s’il est facile au riche de donner et agréable à celui qui a peu de recevoir, il est encore beaucoup plus doux pour ce dernier de donner à son tour et d’oublier ainsi, pour un moment, sa pauvreté. Aussi amenait-il ses interlocuteurs à lui parler de leurs familles, de leurs travaux et d’eux-mêmes et la façon dont il savait recevoir ce que, timidement tout d’abord, avec plus d’assurance ensuite on lui apportait, créait une atmosphère de confiance dans laquelle on n’hésitait plus à se livrer entièrement. Au sortir de ses entretiens on ne savait plus alors — privilège de l’amitié et de l’amour — si la joie que l’on ressentait provenait plus de ce que l’on avait reçu à brassées ou des cadeaux, souvent pauvres en eux-mêmes mais enrichis par son acceptation, que l’on avait l’impression de lui avoir faits.
La délicatesse ne poussait d’ailleurs pas seule M. Gignoux à faire parler ceux qui venaient le visiter sur ce qu’ils connaissaient le mieux, c’est-à-dire sur eux-mêmes et sur leurs travaux; il y était conduit en outre, et plus fortement encore, par un désir constant de rester en contact, notamment à travers les jeunes, avec la vie et avec les idées nouvelles. Cette fraîcheur d’esprit, dont témoignent toutes ses œuvres et qu’il sut conserver jusqu’à ses derniers jours, était d’autant plus étonnante et admirable que sa santé avait fait de lui, avant l’heure, un homme physiquement âgé. Lorsque, dans les écrits et les conversations de ses dernières années, il parlait de la spiritualisation de la matière et de la libération de la prison des sens, il traduisait la lutte intime que, durant une grande partie de sa vie, son esprit avait livré victorieusement à son corps. Et je sais peu de spectacle plus bouleversant et de leçon plus haute que ceux qu’il offrait à ses visiteurs lorsque, cloué dans son fauteuil par l’asthme qui l’étouffait, il reprenait lentement vie par le seul effet de son esprit et de sa volonté.
Il pensait souvent à la mort et aimait en parler, mais il le faisait sans forfanterie et sans crainte car il l’avait dominée bien avant qu’elle ne l’arrache aux siens, et s’il lui arrivait parfois de regretter la vigueur physique qui lui aurait permis de poursuivre ses courses dans les Alpes, il le faisait toujours sans aucune aigreur. Il trouvait d’ailleurs une consolation à sa maladie dans la pensée qu’elle l’avait aidé à s’élever et à se libérer de certaines attaches. Je me souviens d’une conversation où, sur mon propos, il reconnut avoir échappé au danger que courent certains géologues chez qui l’âge n’a diminué ni la vigueur des jarrets ni la profondeur du souffle et qui, poursuivant leurs courses sur le terrain avec une verte ardeur, ne s’aperçoivent pas que le temps est venu pour eux de mûrir le fruit de leurs récoltes passées.
C’est dans le climat de confiante affection créé par son accueil que M. Gignoux prodiguait ses conseils, et les géologues qui venaient lui livrer le résultat de leurs travaux purent profiter de ses critiques jusqu’à ses derniers jours. La clarté de son esprit et la somme de ses connaissances lui permettaient aussi bien de relever la moindre faute de raisonnement que de saisir, dans le relevé de deux coupes, la plus fugace analogie de faciès; mais par-dessus tout il avait le don de dégager du faisceau des observations et des hypothèses qu’on lui soumettait, le fait ou l’idée essentiels, élevant ainsi ceux qui bénéficiaient de ses critiques aux vues générales dont il ne se laissait jamais écarter. Durant les vingt-sept années où j’ai eu la joie de l’approcher, je ne l’ai jamais entendu employer l’argument d’autorité auquel sa position lui aurait cependant permis de faire appel. Il voyait dans l’usage de celui-ci un signe d’impuissance et dédaignait d’utiliser autre chose que la raison pour convaincre ses interlocuteurs. Aussi plaçait-il dans la discussion le plus humble de ses élèves sur un pied d’égalité parfaite et n’hésitait-il pas à reconnaître la valeur des arguments qu’on lui opposait et à adopter le point de vue de son interlocuteur si celui-ci lui paraissait avoir raison. On sentait dans ces rares cas là que l’idée, même la plus légère, d’un ressentiment ne l’effleurait pas car sa fierté était placée sur un bien autre plan. Et ses critiques étaient à la fois si courtoises et si clairement explicitées qu’elles n’humiliaient jamais ses visiteurs et qu’elles étaient reçues avec gratitude par les plus ombrageux d’entre eux.
Il ne devenait dur et cassant que devant la mauvaise foi, la bêtise flagrante ou la méchanceté et encore pardonnait-il ;le plus souvent celle-ci si celui qui la pratiquait à son égard faisait preuve de qualités d’intelligence dont il voulait seules tenir compte pour porter jugement.
Quelques mois avant sa mort M. Gignoux m’offrit l’ouvrage qu’il venait de publier avec R. Barbier sur les barrages et la dédicace qu’il y avait mise débutait par ces mots « en témoignage de notre commun amour pour les jeunes… ». Son affection pour ceux qui représentaient l’avenir était en effet un des traits dominants de son caractère et tous ceux qui venaient le trouver, qu’ils soient ou non ses élèves — mais sa « Géologie stratigraphique » n’avait-elle pas fait siens la plupart des jeunes géologues français ? — étaient certains d’être guidés dans le choix de leurs sujets d’études, d’être encouragés au cours de leurs recherches ou d’être soutenus lorsque, le méritant, M. Gignoux jugeait devoir les aider dans leur carrière.
Aussi estimait-il que, plus que ses propres travaux, les satisfactions que lui avait apportées sa vie de géologue provenaient surtout d’avoir diffusé des idées et d’avoir éveillé et encouragé des vocations. Chef de l’Ecole grenobloise, et fier de l’être, il ignorait cependant l’esprit d’école et offrait ses conseils et son aide à ceux qui les lui demandaient sans se soucier de leur origine. Echappant à un défaut trop répandu chez les géologues universitaires, il n’admettait pas les « chasses gardées » mais il faisait une exception formelle à cette règle en faveur des jeunes « thésards » dont le terrain, pour lui, était sacré. Enfin, s’il n’aimait pas l’arrivisme ou n’en supportait que les formes les plus atténuées chez ceux qui offraient par ailleurs des qualités réelles, il regardait également comme un défaut la timidité et la combattait chez les jeunes géologues qui n’osaient pas prendre position sur des problèmes ou qui hésitaient à publier le résultat de leurs travaux.
M. Gignoux estimait en effet que si la joie de découvrir est une des plus belles qui soient, il existe également une joie profonde, doublée d’un devoir, qui est de transmettre et de répandre le fruit de ses recherches. Il avait en effet un goût passionné pour l’enseignement et pensait qu’une connaissance non transmissible perdait une grande partie de sa valeur. C’est ce qu’il exprimait dans un passage de l’ « Exercice du métier de géologue » où l’emploi du mot « publicité » fut malheureusement mal compris de certains bien que le terme, venant de lui, ne puisse pas prêter à contre-sens. Dans ses cours comme dans ses écrits il avait le pouvoir d’éclairer et de mettre à la portée de tous, dans une langue qu’auraient pu lui envier nombre de littéraires, les problèmes les plus complexes sans pour cela céder à une schématisation dangereuse et sans masquer les obscurités qui pouvaient demeurer. Il professait une sorte d’horreur pour les néologismes et pour le charabia pseudo-scientifique sous lesquels certains cachent l’obscurité de leur pensée et prétendait que tout — en géologie tout au moins — pouvait être exprimé dans le langage du simple honnête homme.
La personnalité de M. Gignoux l’amenait à prendre sur certaines questions des positions qui surprenaient parfois ou à réagir contre certains courants d’idées ou certaines modes dont l’acceptation sans discussion lui paraissait comporter un danger.
C’est ainsi que ce stratigraphe et tectonicien éminent, qui forma et groupa autour de lui des cartographes hors de pair, n’a lui-même dessiné que peu de cartes géologiques et témoignait peu d’attrait pour le tracé des contours. Un jour où je m’en étonnais devant lui et ne lui cachais pas mon désaccord, je compris que sa position s’expliquait par le fait que sa vision des paysages géologiques était à la fois assez analytique et synthétique pour lui permettre de les embrasser sans difficulté dans leurs moindres détails comme dans leur ensemble sans que son esprit éprouve le besoin d’utiliser cette sorte de « modèle réduit » que constitue une carte géologique.
On lui reprochait également de ne pas chercher à acquérir pour lui-même et ses collaborateurs le coûteux appareillage scientifique qui fait l’orgueil de nombreux laboratoires et certains voulaient voir dans ce comportement la manifestation de je ne sais quel esprit rétrograde. En réalité M. Gignoux était tout d’abord jalousement économe des deniers de l’Etat, estimant que ceux-ci ne doivent être utilisés que pour des dépenses indispensables ou tout au moins très nécessaires. Pour lui, et il est regrettable que ce sentiment soit devenu aujourd’hui si rare, le geste de puiser sans besoin réel dans les caisses publiques ne différait pas essentiellement de celui de mettre indûment la main dans la poche de son voisin. Par ailleurs il se refusait à juger la valeur des gens d’après le montant des crédits dépensés par eux et savait que la dévotion portée à la technique pure masque très souvent une certaine indigence de la pensée. S’il reconnaissait le rôle considérable joué par la technique et les techniciens dans le développement de nos connaissances, il n’acceptait pas de confondre la première avec la science ni les seconds avec les savants.
Enfin, le libéralisme et la droiture d’esprit de M. Gignoux ne se cantonnaient pas sur le plan strictement scientifique mais s’étendaient jusqu’aux domaines où leur maintien devient généralement le plus difficile. Son attachement à sa foi et ses opinions n’intervenaient pas dans le placement de ses affections ou de son estime et c’est ainsi que nos rapports ne furent jamais altérés par l’opposition existant entre nos croyances et certaines de nos vues politiques. Dans ce domaine il n’exigeait de ceux auxquels il accordait sa confiance que la sincérité et ne montrait de rigueur — dans un sens comme dans l’autre — que pour l’opportunisme et l’hypocrisie.
Maître, la charge était bien lourde d’évoquer votre double personnalité de géologue et d’homme et vous m’excuserez d’avoir un peu négligé le premier, que nous avons admiré, pour rappeler — bien imparfaitement — le second, que nous avons aimé. « Ach addou… » lance le muezzin du haut de la mosquée: « Je témoigne… ». Puissent ces quelques pages témoigner des enseignements que vous avez semés et des sentiments que vous avez fait naître dans le cœur de ceux qui eurent le bonheur de vous approcher et de jouir de votre affection.
Jacques FLANDRIN, 2 avril 1957.
Le portrait de Maurice Gignoux serait incomplet si l’on ne faisait maintenant quelque place au musicien incomparable qu’il fut: à la fois exécutant et critique averti, il manifestait ainsi dans ce domaine les qualités qui, dans un autre, faisaient de lui un savant si complet.
Son extrême sensibilité le faisait participer aux sentiments profonds des Maîtres de cet art; son esprit synthétique et sa clarté lui permettaient d’exprimer cette communion intérieure. On en jugera par l’extrait suivant d’une analyse laissée par lui du Quatuor numéro 9 en Ut majeur, de Beethoven: l’image de ce « conducteur d’âme » qu’il dégage avec tant de fougue, ne serait-elle pas le reflet de sa propre personnalité ?
Sauf le final, d’ailleurs d’une incomparable puissance, ce n’est pas une des œuvres les plus orageuses, ni les plus profondes, du grand maître de Bonn. Le plaisir qu’on y éprouve vient de son équilibre, de sa parfaite clarté, et surtout de l’incomparable maîtrise avec laquelle l’auteur sait extraire d’un thème tout son contenu virtuel. Si de très nombreux musiciens, comme Chopin, écoutent chanter en eux, si d’autres, comme Mozart, écoutent chanter en dehors d’eux, sans que leur personnalité apparaisse (ce qui est, pour certains, l’idéal du classicisme), Beethoven au contraire est vraiment le maître d’un monde musical qu’il a créé en lui. Il ne suggère pas d’images, ni de décors, ni de personnages ; sa musique est essentiellement une musique de vie intérieure, de mouvements d’âme; et quand ses sursauts de volonté, de joie ou de douleur, deviennent si puissants qu’il ne peut plus s’empêcher d’y associer l’univers qui l’entoure, il apparaît encore comme un conducteur d’âmes, qui appelle les multitudes et les entraîne; on sent toujours que les chœurs qui se joignent à sa voix, ne vivent que par lui, du trop-plein de force qu’il n’a pu contenir: c’est ce que montrent les derniers quatuors, la Messe en ré, le final de la 9° symphonie; et c’est ce que laisse déjà pressentir, peut-être, le final de ce 9me quatuor…
C’est la partie capitale de toute l’œuvre… C’est le grand Beethoven qui apparaît, et conduit sa musique. Le thème initial, d’allure si classique, devient pour lui comme une proie; il le fragmente, en jette des débris aux divers instruments, le pétrit en modulations, ou au contraire en souligne l’ossature, en mettant l’accent seulement sur certaines notes. La « descente trébuchante » et le dessin de l’« interrogation chromatique », qui nous rattachaient encore à l’aimable conversation du 1er mouvement, ne reviendront plus qu’une fois. Tout le reste du final n’est qu’une ascension constante, une marche héroïque, coupée de méditations, cette fois profondes, pour reprendre haleine.
Les quatre instruments ne sont plus quatre individus, mais quatre chœurs, formant un véritable orchestre ; les multitudes accourent à l’entraînant appel du maître et viennent entonner avec lui les triomphantes fanfares par lesquelles se clôt l’ouvrage, dans une apothéose de force et d’action: la vie intérieure du grand musicien a débordé sur l’univers.

Né à Lyon d’une famille originaire de Suisse, il est, comme Emile Gueymard, reçu à la fois à l’Ecole Polytechnique et à l’Ecole Normale Supérieure. Il choisit cette dernière et en sort major du concours d’Agrégation des Sciences Naturelles en 1905. Charles Depéret, alors membre du Jury, le remarque et le fait entrer comme préparateur dans son laboratoire à Lyon avec un sujet de thèse qui n’avait rien d’alpin puisqu’il s’agissait d’étudier les dépôts marins du Pliocène et du Quaternaire méditerranéens. Cette thèse, soutenue en 1913, révélait de telles qualités de stratigraphe et un tel esprit synthétique qu’elle valut à son auteur le prix Fontannes de la Société géologique de France en 1915.
Entre-temps il avait été appelé à Grenoble par Wilfrid Kilian dont il était devenu l’assistant en 1909. Sa carrière, interrompue par la guerre 1914-1918, reprend à Grenoble mais pour fort peu de temps car il est nommé professeur à Strasbourg. Mais le climat ne convenait pas à son tempérament asthmatique et, surtout, il se sentait attiré par les Alpes où il avait commencé quelques travaux, soit thématiques, comme la tectonique salifère, soit de description régionale, en Vanoise, avant d’être appelé à Grenoble. Ainsi débuta une magnifique carrière alpine dont nous allons évoquer les principaux résultats qui lui vaudront tous les honneurs. L’Académie des Sciences lui décerne le prix Cuvier en 1931 avant de l’accueillir en son sein en 1946. La Société géologique de France lui attribue le prix Gaudry en 1948, pour ne citer que les principales distinctions.
Il prit sa retraite en 1953 mais n’en profita pas longtemps puisqu’il mourut d’une crise d’asthme en 1955.
Dès son entrée en fonction à Grenoble, Gignoux avait été attiré par les zones internes alpines où subsistaient le plus d’inconnues, notamment la Vanoise qu’il avait commencé à étudier quand il était encore à Strasbourg. Il était surtout intrigué par les conclusions de P. Termier qui y voyait une couverture sédimentaire réduite au seul Trias alors que lui pressentait une série complète, de type briançonnais mais défigurée par le métamorphisme. Il comprit très vite que la Vanoise n’était pas le bon point de départ en raison même de ce métamorphisme et qu’il fallait d’abord aller plus au sud, là où la zone briançonnaise est plus lisible. Il fut aidé par Léon Moret, son assistant à Strasbourg dès 1919, mais qui l’avait précédé à Grenoble en 1923 comme maître de conférences.
C’est le début de sa grande période briançonnaise qui ne se terminera qu’à la veille de la deuxième guerre mondiale et aboutira à un ouvrage : » Description géologique du bassin supérieur de la Durance « , écrit en collaboration avec L. Moret (Trav Lab. Géol. Univ. Grenoble, 1938, t. 31, 295 p.), qui servit de guide à la réunion extraordinaire de la Société géologique de France en 1938 et qui va représenter désormais l’ouvrage de base de toutes les études ultérieures dans cette zone. On y retrouve la pensée lumineuse et synthétique de celui qui fut certainement le géologue le plus doué de sa génération. Quelques années plus tard, ce sera, toujours en collaboration avec L. Moret, sa célèbre » Géologie dauphinoise, ou introduction à la géologie par l’étude des environs de Grenoble » (Ed. Masson, Paris, deux éditions : 1944, 1952).
On ne peut pas ne pas évoquer non plus son magnifique livre » Géologie stratigraphique « , rédigé à Strasbourg, et publié en 1926 aux éditions Masson, mais qui connut par la suite quatre éditions successives, la dernière en 1960, et qui fut traduit en plusieurs langues. Il reste l’ouvrage le plus remarquable de géologie publié au 20e siècle, parce que, face à un amas d’observations aussi vaste et confus, il sut repérer les faits porteurs d’un enseignement susceptible d’être généralisé et de devenir ainsi un fil conducteur. Par cet ouvrage il est réellement à l’origine d’une approche nouvelle de la stratigraphie, devenue dès lors un moyen d’accès aux structures paléogéographiques conditionnant les dépôts, d’où le terme employé au début de ce chapitre de « stratigraphie structurale « . A signaler aussi, à propos de cet ouvrage, que son chapitre » Trias » contient, en quelques pages, une synthèse des Alpes qui résume admirablement ce qu’on en savait alors, et fait figurer le schéma argandien en bonne place en citant largement les auteurs suisses de l’époque qui avaient si efficacement contribué à cette synthèse.
Pour en revenir à son oeuvre alpine, l’un des grands mérites de M. Gignoux est d’avoir apporté, toujours en collaboration avec L. Moret, la solution de la » zone de l’Embrunais « , héritée de Lory et Kilian et qui était une sorte de fourre-tout dans lequel on plaçait, tant stratigraphiquement que tectoniquement, les ensembles intermédiaires entre la zone briançonnaise et la zone dauphinoise. Gignoux et Moret montrèrent qu’il s’agissait d’abord d’un domaine particulier, qu’ils appelèrent » subbriançonnais « , particulier parce que mobile et dynamique, fonctionnant comme un » joint » tectonique entre deux ensembles plus massifs. Ensuite qu’il était doublé vers l’extérieur par une » zone ultradauphinoise » (plus ou moins symétrique de la zone » ultrahelvétique » qui venait d’être créée en Suisse par Arnold Heim, fils d’Albert Heim), une zone caractérisée par un flysch discordant, le » flysch des aiguilles d’Arves « , tout à fait différent du » flysch de l’Embrunais » d’origine plus interne quoique encore incertaine.
A la veille de la deuxième guerre mondiale, Gignoux et Moret furent aidés, dans cette étude du front des zones internes, par deux élèves connus par eux à Strasbourg, à l’Ecole Nationale Supérieure du Pétrole, D. Schneegans dans l’Ubaye et R. Barbier en Maurienne, qui soutiendront leurs thèses respectives en 1938 et 1945. La continuité structurale était établie entre Dauphiné et Savoie et la structure de la 2e zone de Charles Lory élucidée. Mais une certaine façon d’aborder les problèmes des zones internes était surtout instaurée, fondée sur l’utilisation structurale des données stratigraphiques dans la reconstitution des paléogéographies successives.
L’oeuvre de M. Gignoux dans les Alpes a eu bien d’autres facettes. L’une fut celle de la tectonique salifère qu’il pressentit dès son passage à Strasbourg, une autre celle de la tectonique d’écoulement par gravité qu’il développa à l’issue de la deuxième guerre mondiale (une période où l’activité sur le terrain était difficile et où il eut à gérer la Faculté des Sciences de Grenoble en tant que doyen). Ce sont les plis souples du flysch de l’Embrunais qui lui donnèrent l’idée de cette dynamique déjà entrevue, mais de façon assez confuse, par deux géologues allemands, E. Haarmann et H .Krauss. Cette idée accompagnait leur hypothèse des » géotumeurs » qu’il faut brièvement évoquer.
Les idées wegenériennes avaient décliné sous la critique des géophysiciens qui n’y trouvaient pas l’explication du moteur de la dérive continentale. Le mobilisme horizontal n’était plus à la mode mais il fallait pourtant trouver ce qui permettait de déplacer les nappes horizontalement. On supposa alors l’existence de montées magmatiques édifiant des » géotumeurs » sur les flancs desquelles des panneaux de l’écorce terrestre auraient pu glisser par gravité en se plissant. C’est dans ce cadre que M. Gignoux alla plus loin encore en proposant, dans une série de notes qui s’échelonnent entre 1948 et 1953, que toutes les roches ou ensembles rocheux ne font pas que glisser mais qu’ils pourraient couler comme des liquides très visqueux pourvu qu’on leur en donne le temps, exactement comme la glace des glaciers ou des couches de goudron. Appliquant ces idées aux Alpes, M. Gignoux imaginait la progression des nappes vers l’ouest, au front et sur les flancs d’une intumescence de la croûte progressant dans le même sens, comme une flaque de miel sur une toile cirée que l’on soulèverait de proche en proche.
Ces idées novatrices lui vaudront la Penrose Medal de la Société géologique des U.S.A., une distinction rarement accordée en Europe. Mais, poussées à l’extrême, elles aboutirent à des conclusions qui se sont révélées inexactes, comme la notion de » dénudation tectonique » des massifs cristallins externes par une couverture qui, glissant vers l’extérieur de la chaîne, aurait donné les chaînes subalpines, le sillon subalpin représentant, quant à lui, une » crevasse tectonique » à peine agrandie par l’érosion au travers de cette couverture en mouvement.
La thèse de l’écoulement par gravité est maintenant abandonnée mais la notion de tectonique gravitaire pour la mise en place des nappes les plus superficielles est restée, associée à la tectonique salifère qui apportait le lubrifiant nécessaire. Certes M. Gignoux et L .Moret ne sont pas seuls à l’origine du concept mais ils ont grandement contribué à le familiariser.
Comme son prédécesseur, M.Gignoux s’est également intéressé aux applications de la géologie des barrages et autres aménagements hydrauliques. Il est l’auteur des études de nombreux barrages alpins, aidé par son élève R. Barbier avec lequel il rédigea une » Géologie des barrages » en 1955, reflet des cours qu’il donnait à l’école des Ingénieurs hydrauliciens, et qui parut quelques semaines avant sa mort le 20 août de la même année.

GIGNOUX Maurice (1881-1955)

SPEECH BY MR Leon Moret
pronounced the funeral of Maurice Gignoux , Tuesday, Aug. 23, 1955 , Grenoble

Ladies and Gentlemen,
It is with unspeakable sadness and heart torn by emotion as the Dean of the Faculty of Sciences has expressed supreme farewell to colleague and friend that death has played in our affection during a long and painful illness borne with courage that I may be described as heroic .
The true friendship and sincere dedication of all can not heal wounds that they made ​​such a separation and remember that we mourn not get lost with the first shovelful of earth is thrown on his coffin.
The Academy of Sciences, the Faculty of Sciences and especially Geology Laboratory of Grenoble, he walked with much solicitude for over 25 years , are now plunged into deep mourning .
Maurice Gignoux , delicious colleague was indeed a great scholar grazed by genius and a true master in every sense of the word , and the word master takes on its full value because , in Maurice Gignoux , the man was height wise and no compromise should not touch this existence all right, only devoted to research , his students and his family .
Let me recall that it was more for me and I was attached to him by close family ties and friendship cloudless old over 30 years.
I owe it to his memory to recall here the main stages of a happy career was exemplary , if my voice weakens the moving evocation of facts and memories.
Maurice Gignoux was born in Lyon of an ancient family from Nyon and whose eyes had rested from generation to generation on the gentle shores of French Chablais . Maybe we should see , then, the origin of an alpine vocation was born, because every year we will return to the ancestral mountains that the child learns , to her father , to know and love .
This is a subject elite , and after a brilliant student , he was received simultaneously Polytechnique and the Ecole Normale Supérieure. Without hesitation, he opts for the latter, more in line with its tastes and needs of the apostolate that will satisfy , intellectually , through direct instruction .
But he always loved living together ( even that of the barracks, he told me ), and the School of Ulm Street in meetings  » turnes  » where all topics are covered , science, naturally , philosophy, music, he lives intensely and his comrade Charles Jacob has no trouble converting this enthusiastic downhill Geology.
Then, after the license , where he showed great mathematical virtuosity, this is the great competition out. Received first , in 1905, the aggregation of natural sciences, he attracted the attention of Charles Depéret , then a member of the jury, which draws Lyon in his lab and gives him the best brand of confidence that a master can manifest a student by offering him to study a subject into his heart and he had desired process itself : the history of the vicissitudes of the old Pliocene and quaternary Mediterranean.
This doctoral thesis, completed in 1913 , is a great success and the book immediately receives one of the most popular of the Geological Society of France awards, the price Fontannes . It remains the basis of all current work in this area .
Meanwhile, he had been called to Grenoble, by Wilfrid Kilian , a great connoisseur of men, he became the assistant. It will not be for long, because soon ton cannon from 1914 and without hesitation Maurice Gignoux agrees , but his poor health made ​​the reform for a year, then pour in the service, newly created Army of Meteorology to , where he reported in the company of another Grenoble geologist Pierre Lory , also a volunteer .
When peace returned, after a short stint as Pyrenean professor at the Faculty of Sciences of Toulouse, a great honor entrusted : one to organize the teaching of Geology at the University of Strasbourg French Renaissance . We could not have a happier choice: leave this city an unforgettable experience .
But the Vosges and the Rhine Graben not made him forget his beloved Alps and , each year, there plunges during the holiday period to scrutinize the secrets. A prophetic memory on the geological structure of the Vanoise and whose recent work has confirmed the essential data , as well as his first intuitions on the role of tectonic salifère in the French Alps result firstly of these fruitful contacts .
The period of his career itself alpine began , one in which he will devote himself to the study of so-called internal areas, the lesser known, and will see his soul flourish leader , but a methodical head , without from dogmatism , disinterested and having drank only the best interests of the Science for .
This is not the place to dwell on the details of this work exposed many memories or notes, continued work alone or together with His disciples and which will also be facilitated by the appointment in Grenoble in 1926 after the sudden disappearance of W. Kilian .
Suffice it to say that it has completely renewed our knowledge of these complex and that areas involving new ideas of salifère tectonics and especially the flow of rock masses by gravity , so popular now to explain folded mountain ranges .
All that is new and fruitful in this work a high scope and substance of education for several years , was soon used in his masterful book  » Geology Stratigraphic  » now classic and the fourth edition , translated into English , Polish and even Russian, toured the scientific world .
With him , the history of the earth, and especially that of the Alps , is organized in a logical and coherent plan and science truly becomes  » the highest expression of common sense. » In all his classes , where he showed a prestigious professor , as well as in his writings, is also proving that this perfect accuracy and measuring the expression , if ignored today and which, according to Saint Marc Girardin, are the key qualities of the writer.
If he had the gift of general ideas and personal views, he also had a taste for research useful applications of science. And so it is that much of its activity was devoted to geological research work on hydroelectric development of our great alpine valleys . His name is forever attached to the grandiose achievements Génissiat dam on the Rhone and his last work , undertaken while his health was already seriously compromised and gave him his last intellectual joys, is a veritable treatise reports of Geology with the construction of dams and other hydraulic structures.
So beautiful research he had attracted early attention of his peers. Several times winner of the Geological Society of France and of the Academy of Sciences, he was elected Corresponding Member of the Institute in 1932 before becoming non-resident member in 1946.
He was Foreign Member of the Geological Societies of London and America, Honorary Member of the Geological Society of Belgium and the Swiss Academy of Sciences, finally Doctor honoris causa of the University of Lausanne. Most recently, one of the most coveted awards of the Geological Society of America , the Penrose Medal, he was awarded for the entire work  » that marked a breakthrough in the science of geology . »
He was an officer of the Legion d’Honneur for several years.
Dare I say now what was Maurice Gignoux in privacy, by reminding his friends his smiling kindness and so benevolent complacency ; her students the desire which he was constantly agitated to help and be useful to them ; his children and admirable companion of his life while he was for them and the infinite tenderness of a father and a husband incomparable .
And for us who were his students, colleagues, friends, what an example this busy life if not she will vocations and what can it still generate ?
May this tribute very incomplete , madam, alleviate pain that you and yours feel this cruel separation.
Everyone who came to accompany Maurice Gignoux one last time and pray with you , and all those many , were selected from us , join your mourning and take their share of your affliction. I have the mission to convey the condolences of the Academy of Sciences and say you have our deepest sympathy and respect .

MAURICE GIGNOUX
Mr. Raoul Blanchard

( Obituary published in the Yearbook of the Ecole Normale Supérieure , 1957, p. 42).
GIGNOUX (Mauritius ), born in Lyon October 19, 1881 , died August 20, 1955 Grenoble . – Promotion of 1901.
This is a literary who is responsible for the scientific instruction . But we held garrison nearly 40 years in the same city , our subjects were detached and approached us and finally we were friends .
Gignoux was Lyons , a member of the tribe strong Gignoux , who came from Switzerland, formed a large colony in Lyon and has spread to America. Excellent studies Dominicans Oullins brought him in high school Special Ampere, where he faced in 1901 contests Polytechnic Normal and Sciences. Admitted to the X , he found himself pushed far enough on the supplementary list of School [ Normale Supérieure ] . Our candidate did not hesitate , and this is the best Gignoux : Back to school in October 1901, he rejoined the Mole Ampere to the amazement of his comrades, outraged a Polytechnicien back to sit on their benches. The scandal fortunately did not last long , the same day a telegram announced success at school .
It rained a lot in our old house in the Rue d’Ulm , where he spent four years, being oriented Natural Sciences , where he became a geologist , encouraged by our master Wallerant gruffly beneficent, and our comrade Jacob Ch . First aggregation in 1905, he won the high school in December of Besançon , after misunderstandings in which Gignoux , who knew nothing about the chain of command , sent directly to the Minister of Public Instruction in writing on a frivolous light blue paper claim . But in September 1906 , Ch Depéret , Chief Lyons geology, made ​​him get a PhD scholarship at the Faculty of Sciences of Lyon. The time scientific work had come.
The subject of the thesis was original: it was Pliocene and Quaternary marine formations of southern Italy and Sicily .
Gignoux traveled southern Italy with joy, quickly familiar with the country and its inhabitants, he brought a large volume of 700 pages which was a revelation on the beautiful marine platforms the raised up to 1,000 meters. However he had married in Lyon in 1909 and left his hometown to work as a trainer at the Faculty of Sciences of Grenoble. This is where we became acquainted , brought together by our work, operating in the same building, as victims of a common weakness , asthma , worth us every spring, the arrival of hay fever season hell. Also wanted us , from May, anxious confabulations , scanning the temperature , sniffing pollen .
This unfortunate condition of asthma does not also prevent Gignoux in 1914 to engage in an artillery regiment , where his pleasure Polytechnicien missed this , I can still see him encased in uniform dark gunners . But the army did not keep it long: colds, asthma , bronchitis, he soon made untenable military life. It took him back among us, resumed his role as trainer. We began to find that it dragged on a little too much: 37 years , brilliant doctor , its leaders did not seem to consider the appeal of a Chair of Faculty . Is that in Gignoux , the total reluctance was to attract attention to himself , pulling the bell , full modesty and also, in this bold scholar, a touching lack of practical sense. It ends in November 1918 , by entrusting him to Toulouse replaces another momentarily distant colleague. It was too much , and unwittingly played interventions ; suddenly he was awarded in January 1919 one of the best Chairs France , that of Strasbourg.
I have little information on the stay of Gignoux in Strasbourg , which lasted seven years, I know only that he had contracted it strong friendships , particularly among literary . However, the climate did not suit him much , so he gladly agreed to swap his pulpit against the Rhine Grenoble become vacant , he found an enthusiastic and wonderful mountain geology lab that are the Alps. Starts at the beginning of 1926, the most productive period of life Gignoux . He published memoranda, volumes on Alpine geology problems , renewing our knowledge and force the Swiss to revise their designs , almost all of these works were written in collaboration with his friend and colleague Leon Moret , which says a lot about intellectual and emotional qualities of the two men . He wrote a manual of stratigraphic geology , designed to Strasbourg, now in its fourth edition and has been translated into Russia . Among his most notable works , we must mention his  » Salt Tectonics , » which solved both problems and irritants showed that licks Triassic layers are likely to move into the soil and accumulate weaknesses clusters confusing ; then this majestic theory of  » gravity flow  » , which obliges us to revise our ideas about the formation of mountains . Crowned with so much success , Gignoux became the first of the French geologists.
Also honors had they come to him ; distinctions showered upon this modest . The Geological Society of France gave him his price Fontannes in 1915 , its price Gaudry in 1948. The Academy of Sciences awarded him the prize Cuvier in 1931, named correspondent in 1932, finally elected a full member in 1946. In 1955, he received the Geological Society of the United States a distinction rarely granted in Europe, the Penrose Medal. Doctor honoris causa of the University of Lausanne. Member of the Committee of Geology Scientific Research Committee of the National Board of liquid fuels . Officer of the Legion d’Honneur. When we commend it answered only by the discreet smile as we know it. But did they animate , he had only to tell him about his family, which he was very proud and there was enough : a superb squad of six children, all good parties and the youngest is our charming friend Dominique Gignoux . How many times have we not compare the number of hard- grandchildren ! No less sensitive to friendship, Gignoux loved long conversations where we addressed the most varied subjects , in the smoke of pipes. It was all strapped with friends, we noticed a critical update . Seen on an information can not be described , this great honest man, this patriot experienced , was suspended from his teaching duties by the Commissioner of the Republic in September 1944. Our excitement was great, especially among the fiercest resistance . We decided , in protest , the President elect immediately Scientific Society Dauphiné , a collective petition was handed to General de Gaulle, and Gignoux was returned to his chair .
Retirement came in 1953. It was time ; asthma became exhausting , complicated by bronchitis incessant , the march was difficult due to lack of breath. Gignoux spent his last years confined to his home , pampered by a wonderful wife. He continued to work , his latest volume, on Dams , was published in 1955. Friends , students , do not neglect . We found him slumped in a chair, almost speechless , but after a moment, revived by the conversation, he revived , took the direction of the connection, got up , was able to take us friendly to the door. So we had the impression that this frail body resist indefinitely ,  » he bury us all !  » . But the terrible crisis which broke out during the summer of 1955 broke this resistance, our friend , panting , was weeks without being able to expand and at the end his poor heart , who fought for so long, yielded. A real good man left us , and a Christian high class.
Great scholar , be exquisite, Gignoux has honored his family, the University, the School.

Raoul Blanchard.

Testimony of a former student of Maurice GIGNOUX
by Jacques FLANDRIN (Professor at the Univ. Lyon )

The course of my career, far from the Alps and Grenoble , has not allowed me to live in contact with Maurice Gignoux and its benefit as other students – disciples would be better for such a Master – wealth without number that brought them the daily trading.
However, if, at the end of my studies where teaching was decided on the direction of my life, this distance prevented me , in part , unfortunately too large to enjoy the pure geological advice he could provide to those who lived with him , he did not have the power to stretch the spiritual and emotional ties , since my student years, I had become attached to him and through him and L. Moret, allowed me to still feel a member of his laboratory.
Also, most authoritative voices than mine have already done with rare felicity , I will try not to mention my turn geologist whose authority was able to extend further east and west of borders of our country . I would simply recall after long conversations at each of my visits he wanted to give me some aspects of his character and spirit and some of his feelings for those who have the best known , as well as explain its scientific value radiation he exercised until his last days .
All those who approached Mr. Gignoux experienced the goodness of his welcome, charm and interest of his conversation but these qualities, great as they were, do not alone explain the joy that his interlocutors , and especially the youngest among them, withdrew from talks . Its authority, the extent of his knowledge and memories , its unique culture, the result could have , as it happens to some monologue , to tell , sometimes repeat itself and the distribution of wealth would undoubtedly already filled his listeners. But Mr. Gignoux knew , because his was extreme delicacy , that it is easy to give a rich and enjoyable one that has little to receive, it is much more gentle on the latter to give turn and forget and , for a moment, his poverty . He also brought his interlocutors to talk to him about their families, their work and themselves , and how he could get that first timidly all, with more confidence then brought him , created a atmosphere of trust in which we no longer hesitated to fully deliver. Came out of the interviews we did not know then – privilege of friendship and love – the joy that we felt came more than what we had received loads or gifts, often poor themselves but enriched themselves by accepting , as it seemed to him to have made ​​.
Delicacy not only also pushed Mr. Gignoux to talk those who came to visit on what they knew best , that is to say about themselves and their work , and there was duct Furthermore, and even more strongly , by a constant desire to stay in touch , especially through youth, with life and with new ideas. Freshness of mind , as reflected all his works and he knew how to keep until his last days , was even more amazing and admirable that his health had made him before the hour , an elderly man physically . Where in the writings and conversations of his later years, he spoke of the spiritualization of matter and the release from prison of the senses, it reflected the inner struggle that during much of his life, his mind had delivered victoriously to his body. I know little more upsetting show and lesson higher than those it offered to its visitors when confined to his wheelchair by asthma who choked , he slowly came to life only by virtue of his mind and his will.
He often thought about death and loved to talk , but he did so without boasting and without fear because he had dominated much before she pulls her own, and if he sometimes regretted physical force which would have allowed him to continue his racing in the Alps, he always did without any bitterness . Moreover, it was a consolation to his illness in the thought that she had helped him to rise and to be free of certain fasteners. I remember a conversation where , on my point, he admitted that he had escaped the danger faced by some geologists at that age has decreased and vigor hocks and depth of breath and, pursuing their courses on field with a green hard , do not realize that the time has come for them to ripen the fruit of their past harvests.
It is in the climate created by his confident affection welcome Mr. Gignoux lavished his advice, and geologists who came to deliver him the results of their work could enjoy his critics until his last days . The clarity of his mind and the sum of his knowledge enabled him both to meet any challenge that reasoning to capture, in the statement of two sections , the most fleeting analogy facies , but above all he had the gift of free beam observations and assumptions submitted to him , the fact or the essential idea , raising those who benefited from his critics to general views which he never left aside. During the twenty-seven years I have had the joy of approaching , I ‘ve never heard use the argument of authority which his position would, however, allowed him to appeal. He saw the use of it a sign of weakness and disdain to use something other than the reason to convince his interlocutors . Also put it in the most humble discussion his students on a level of perfect equality and not hesitated to recognize the value of arguments opposed to him and to adopt the perspective of the caller if it seemed to him to be right. We felt in those rare cases where the idea , even the slightest , resentment does not touched because his pride was placed on a very different level. And his critics were both so polite and so clearly explained that they never humiliated visitors and they were received with gratitude by the most suspicious of them.
It becomes hard and brittle as to the bad faith, gross stupidity or malice and even forgave it , most often it if that practiced against him was proof of intelligence qualities he only wanted to take account in making judgment.
A few months before his death Mr. Gignoux gave me the book he had just published with R. Barbier on dams and dedication he had put it began with these words  » testimony of our common love for the young … ». His affection for those who represented the future was indeed one of the dominant traits of his character and all those who came to him , whether or not his students – but his  » Stratigraphic Geology  » had she not endorsed most young French geologists ? – Some were to be guided in their choice of research topics to be encouraged in their research or to be supported when the worthy Mr. Gignoux deemed duty to help their careers.
As he felt that, more than his own work, the satisfactions that had made ​​his life a geologist came mainly for airing ideas and to be awake and encouraged vocations. Head of School Grenoble , and proud of it , however, he was unaware of school spirit and offered advice and assistance to those who asked him regardless of their origin. Escaping to a fault too common among university geologists, he did not admit the  » turf  » but it was a formal exception for youth  » PhD  » whose land for him was sacred. Finally, he did not like careerism or stand in the most attenuated in those who also offered real qualities forms , it is also regarded as a defect shyness and fighting among young geologists n do not dare to take a stand on issues or reluctant to publish the results of their work .
Mr. Gignoux estimated in effect as if the joy of discovering is one of the best there is, there is also a deep joy , coupled with a duty, which is to transmit and spread the fruits of his research . It was indeed a passionate love for teaching and thought that a non-transferable knowledge lost much of its value. This is what he expressed in a passage from the « Exercise of the profession of geologist  » where the word « advertising » was unfortunately misunderstood some although the term , coming from him, can not lead to against sense. In his lectures and in his writings he had the power to enlighten and make everyone in a language that might have been envied number of literary , the most complex problems without it yield to a dangerous oversimplification and without masking the obscurities that could remain . He professed a kind of horror for neologisms and the pseudo- scientific gibberish in which some hidden darkness of their thought and claimed that all – in geology at least – could be expressed in the language of single honest man.
Mr. Gignoux personality led him to take positions on issues that sometimes surprised or react against some common ideas or certain modes whose acceptance without discussion it seemed involve a hazard.
Thus this stratigrapher tectonicien and prominent , which formed and gathered around him cartographers peerless , has itself drawn little geological maps and showed little attraction to draw the contours. One day I wondered before him and did not hide it I disagree , I realized that his position was explained by the fact that his vision of geological landscapes was both analytic and synthetic enough to allow him to kiss without difficulty in every detail as a whole without his mind feels the need to use this kind of « model  » that is a geological map .
He is also accused of not trying to acquire for himself and his collaborators expensive scientific equipment that is the pride of many laboratories and some wanted to see this behavior in the event of I know not what spirit retrograde . In fact Mr. Gignoux was first jealously efficient funds of the State , believing that they should only be used for essential or at least very necessary expenses . For him, and it is unfortunate that this feeling has become so rare today , the act of drawing without real need in public funds do not differ essentially from that to unduly hand in the pocket of his neighbor. Moreover he refused to judge the value of people based on the amount of money spent by them and knew that devotion paid to pure technique often mask a certain poverty of thought. While recognizing the important role played by technology and technicians in the development of our knowledge, he did not accept the first confused with science or scientists with the latter .
Finally , liberalism and uprightness of mind of Mr. Gignoux not be quartered on a strictly scientific level but extended to the areas where their retention usually becomes more difficult . His dedication to his faith and his views were not involved in the placement of his affections or his self and that is how our relationship were never altered by the opposition existing between our beliefs and some of our political views. In this area there are required of those to whom he gave his confidence that sincerity and showed rigorously – in one way or another – for opportunism and hypocrisy.