Creuser à travers la montagne, un défi permanent

Dig through the mountain, an ongoing challenge

Sur le chantier du plus long tunnel au monde, les ingénieurs n’ont pas toujours été à la fête. Il leur a fallu relever bien des défis – pression de la roche, températures élevées, dégagement de millions de tonnes de pierres. Sans oublier les caprices de Mère Nature.

Le tunnel de base du Gothard sera l’élément principal de la nouvelle liaison ferroviaire à travers les Alpes. Sans dépasser les 550 mètres d’altitude, il permettra de réduire le trajet Zurich-Milan d’une heure et demie.
«Pour réaliser un projet aussi énorme, il faut créer plusieurs sites, parce que si vous voulez commencer à une entrée et terminer à la sortie, il faut au moins vingt ans pour construire tout le système», explique Heinz Ehrbar, responsable du chantier pour Alptransit.
«C’est pourquoi nous avons en tout cinq sites différents, avec Erstfeld et Amsteg au nord, Sedrun au centre et, à l’autre extrémité, Faido et Bodio. Ce qui a permis de diminuer de moitié la durée du forage.»

Vue sur le tunnel

Le tunnel de base est constitué de tubes rejoignant des galeries adjacentes tous les 312 mètres. Les trains peuvent changer de tunnel aux gares multifonctions de Sedrun et Faido, qui sont équipées de systèmes de ventilation, de sauvetage et de signalisation.
Il y a aussi des gares d’arrêt d’urgence tous les 20 km, d’où les personnes peuvent s’échapper et être évacuées en cas d’incendie ou d’accident. «Le système atteint au total plus de 150 km de structures souterraines, et le chantier a été conséquent», ajoute Heinz Ehrbar.
Pour construire le tunnel, il a fallu forer et faire exploser la roche, en utilisant des tunneliers géants (TBM) pour effectuer environ 60% du travail. On estime qu’il a fallu excaver quelque 24 millions de tonnes de roche pour réaliser ce tunnel à 9,74 milliards de francs.

Pas de mystère

Pour Kalman Kovari, professeur émérite de tunnelage à l’Ecole polytechnique fédérale de Zurich et consultant pour le projet, la technique utilisée peut se résumer à un travail d’ingénierie qui utilise des formations naturelles comme matériau. «Beaucoup de gens pensent que nous sommes exposés à l’arbitraire de la nature, mais ce n’est pas la réalité», dit-il. Géologues et experts en mécanique procèdent à des études détaillées de la zone concernée. Le tracé est défini et les plans sont ensuite dessinés par des experts.
La conception d’un tunnel aussi long, large et profond a présenté des défis particuliers. «Les profondeurs posent beaucoup de problèmes, comme la pression rocheuse, ou celle provoquée par des masses d’eau, ainsi que les hautes températures», explique Kalman Kovari.
Ainsi, le problème de la température a-t-il pu être résolu en faisant baisser la température de l’air de 45 à 28 degrés grâce à un système de circulation d’eau, afin de faciliter la tâche des ouvriers.

Projet menacé

La géologie variée des Alpes – la roche peut passer de la dureté du granit à la mollesse du beurre – a aussi été un défi. «Nous savions que le travail d’excavation se heurterait à des zones très difficiles», ajoute l’ingénieur.
Bien des gens ont douté que les tunneliers viennent à bout du synclinal de la Piora, où les tests initiaux avaient révélé une surface mouvante de dolomite granulaire mêlée à de l’eau. Le travail a été interrompu – et tout le projet menacé – pendant que les ingénieurs cherchaient des solutions.
De nouveaux forages ont été effectués, révélant que la piètre qualité de la strate ne s’étendait pas, comme on le craignait, jusqu’au niveau du tunnel, situé plus bas. Le travail a pu reprendre.

Pionniers d’autrefois

Pour Kalman Kovari, la Suisse n’est pas un cas unique pour la construction de tunnels. D’autres pays, comme la Grande-Bretagne, bénéficient également d’une tradition étendue dans ce domaine. Mais la topographie de la Suisse a néanmoins induit une longue expérience en matière de tunnelage. «C’est une aptitude spéciale née de la nécessité et d’un travail ininterrompu pendant près de cent cinquante ans», remarque-t-il.
Les tunnels routiers du Gothard et du Simplon ont fait office de pionniers en la matière. Là, les tunneliers ont dû parcourir des distances encore plus grandes et ont rencontré des températures dépassant parfois les 60 degrés. Et bien entendu, les conditions de travail n’étaient pas aussi bonnes qu’aujourd’hui, entraînant beaucoup de victimes.
Les Suisses ont bien sûr affiné leur savoir avec les années. Mais Kalman Kovari comme Heinz Ehrbar manifestent une admiration particulière pour leurs prédécesseurs du 19e siècle. «L’ancienne voie ferroviaire du Gothard ou le tunnel actuel du Simplon étaient aussi les tracés les plus longs de leur temps, remarque Heinz Ehrbar. Nous manifestons un grand respect pour ce que nos arrières-grands-pères ont fait.»

Isobel Leybold, swissinfo.ch
Traduction de l’anglais: Isabelle Eichenberger

On the site of the longest tunnel in the world , engineers have not always been at the party. They had to face many challenges – rock pressure , high temperatures , release of millions of tons of stone . Not to mention the whims of Mother Nature.

The Gotthard Base Tunnel will be the main element of the new rail link through the Alps . Without exceeding the 550 meters, it will reduce the route Zurich -Milan an hour and a half.
« To achieve a huge project , you must create multiple sites , because if you want to start and complete an entry in the output must be at least twenty years to build the entire system , » says Heinz Ehrbar , site manager for Alptransit .
« That’s why we have a total of five different sites, with Erstfeld and Amsteg north Sedrun in the center and at the other end , Faido and Bodio . Which helped to halve the duration of the drill . «

View of the tunnel

The base tunnel consists of tubes joining adjacent galleries every 312 meters. Trains can change the multifunction station tunnel Sedrun and Faido , which are equipped with ventilation systems , rescue and signaling .
There are also emergency every 20 km railway stop, where people can escape and be evacuated in case of fire or accident. « The system totaled more than 150 km of underground structures , and the project was therefore  » says Heinz Ehrbar .
To build the tunnel , it was necessary to drill and explode the rock , using giant tunneling ( TBM ) to carry about 60 % of the work . It is estimated that was excavated some 24 million tons of rock to make the tunnel to 9.74 billion francs.

No mystery

For Kovari Kalman , professor emeritus of tunneling at the ETH Zurich and consultant for the project, the technique can be summarized as an engineering process that uses natural formations such material.  » Many people think that we are exposed to the arbitrary nature, but this is not reality , » he said. Geologists and engineering experts conduct detailed studies of the area . The plot is set and plans are then drawn by experts.
The tunnel design as long , wide and deep presented special challenges.  » The depths pose many problems, such as rock pressure , or that caused by the masses of water and high temperatures , » says Kalman Kovari .
Thus, the problem of the temperature he could be solved by lowering the air temperature from 45 to 28 degrees with a water circulation system to facilitate the task of the workers.

project threatened

The varied geology of the Alps – the rock can pass the hardness of granite to soft butter – was also a challenge. « We knew that the excavation work would run into very difficult areas , » says the engineer.
Many people have questioned whether the tunnel come to the end of the Piora syncline , where initial tests had revealed a moving surface granular dolomite mixed with water. The work was interrupted – and threatened the entire project – while engineers seeking solutions .
New wells were drilled , revealing the poor quality of the layer does not extend , as feared , to the level of the tunnel located below. The work could resume .

Pioneers of the past

For Kalman Kovari , Switzerland is not a unique case for the construction of tunnels. Other countries, including Britain, also have an extensive tradition in this area . But the topography of Switzerland nevertheless induces a long experience in tunneling .  » This is a special ability born of necessity and a continuous operation for nearly one hundred and fifty years, » he notes .
Gotthard Road Tunnel and Simplon acted as pioneers in the field . There, the tunnel had to travel even greater distances and met with temperatures sometimes exceeding 60 degrees. And of course, the working conditions were not so good today, causing many casualties.
The Swiss have obviously honed their skills over the years. But Kalman Kovari as Heinz Ehrbar show a particular admiration for their predecessors in the 19th century. « The old Gotthard railway or current Simplon tunnel was also the longest paths of their time , says Heinz Ehrbar . We express great respect for what our great- grandfathers did. «

Isobel Leybold , swissinfo.ch
English Translation : Isabelle Eichenberger